
C'est là la question urgente de notre époque. Le rapide progrès de l'intelligence artificielle signifie que nous faisons face à un choix stratégique concernant le type de monde dans lequel nous allons vivre : sera-t-il un monde où les États-Unis et les nations alliées propulsent une IA mondiale qui étend les bénéfices de la technologie et ouvre l'accès à celle-ci, ou un monde autoritaire, où des nations ou des mouvements qui ne partagent pas nos valeurs utilisent l'IA pour consolider et étendre leur pouvoir ?
Il n'y a pas de troisième option, et il est temps de décider quelle voie emprunter. Actuellement, les États-Unis sont en tête du développement de l'IA, mais leur leadership n'est pas du tout garanti. Des gouvernements autoritaires dans le monde entier sont prêts à investir d'énormes sommes d'argent pour nous rattraper et, finalement, nous surpasser. Le dictateur russe Vladimir Poutine a sommé que le pays qui gagnera la course de l'IA « deviendra le maître du monde », et la République populaire de Chine a déclaré qu'elle aspire à devenir le leader mondial de l'IA d'ici 2030.
Ces régimes et mouvements autoritaires maintiendront un contrôle strict sur les bénéfices scientifiques, sanitaires, éducatifs et sociaux de la technologie pour consolider leur propre pouvoir. S'ils parviennent à se hisser en tête de l'IA, ils obligeront les entreprises américaines et d'autres nations à partager les données des utilisateurs, exploitant la technologie pour développer de nouvelles formes d'espionnage de leurs propres citoyens ou créer des cyberarmes de nouvelle génération à utiliser contre d'autres pays.
Le premier chapitre de l'IA est déjà écrit. Des systèmes comme ChatGPT, Copilot et d'autres fonctionnent comme des assistants limités, par exemple, en rédigeant les visites des patients pour que les infirmières et les médecins puissent consacrer plus de temps aux malades, ou en servant d'assistants plus avancés dans certains domaines, comme la génération de code pour l'ingénierie logicielle. De nouveaux progrès arriveront bientôt et marqueront le début d'une période décisive dans l'histoire de la société humaine.
Si nous voulons garantir que l'avenir de l'IA soit un avenir construit pour bénéficier au plus grand nombre possible de personnes, nous avons besoin d'une coalition mondiale dirigée par les États-Unis de pays partageant les mêmes idées et d'une nouvelle stratégie innovante pour concrétiser cela. Les secteurs public et technologique des États-Unis doivent réaliser quatre grandes choses pour garantir la création d'un monde façonné par une vision démocratique de l'IA.

Tout d'abord, les entreprises et l'industrie américaine de l'IA doivent élaborer des mesures de sécurité solides pour garantir que notre coalition maintienne un leadership sur les modèles actuels et futurs et permette à notre secteur privé d'innover. Ces mesures incluraient des innovations en matière de cybersécurité et de sécurité des centres de données afin d'éviter que des pirates informatiques ne volent une propriété intellectuelle clé, comme les poids des modèles et les données d'entraînement de l'IA. Nombre de ces défenses bénéficieront du pouvoir de l'intelligence artificielle, facilitant et accélérant l'identification des risques et la réponse aux attaques par les analystes humains. Le gouvernement américain et le secteur privé peuvent collaborer pour développer ces mesures de sécurité le plus rapidement possible.
Deuxièmement, l'infrastructure est le fondament. La rapide installation de câbles en fibre optique, de lignes coaxiales et d'autres infrastructures à large bande est ce qui a permis aux États-Unis de passer des décennies au centre de la révolution numérique et de construire leur actuel leadership en intelligence artificielle. Les décideurs américains doivent travailler avec le secteur privé pour construire des quantités significativement plus élevées de l'infrastructure physique - des centres de données aux centrales électriques - qui font fonctionner les systèmes d'IA eux-mêmes. Les partenariats public-privé pour construire cette infrastructure nécessaire fourniront aux entreprises américaines la puissance informatique requise pour élargir l'accès à l'IA et mieux répartir ses bénéfices sociaux.
La construction de cette infrastructure créera également de nouveaux emplois à travers le pays. Nous assistons à la naissance et à l'évolution d'une technologie que je considère aussi fondamentale que l'électricité ou Internet. L'IA pourrait être le fondement d'une nouvelle base industrielle que notre pays ferait bien d'adopter.
Nous devons compléter les proverbiaux « briques et ciment » par un investissement substantiel dans le capital humain. En tant que nation, nous devons cultiver et développer la prochaine génération d'innovateurs, chercheurs et ingénieurs en IA. Ils sont notre véritable superpuissance.
Troisièmement, nous devons développer une politique de diplomatie commerciale cohérente pour l'IA, qui inclut des clarifications sur la manière dont les États-Unis envisagent d'appliquer les contrôles à l'exportation et les normes d'investissement étranger pour le développement global des systèmes d'IA. Cela signifiera également établir des normes sur le type de puces, de données d'entraînement de l'IA et d'autres codes - certains étant si sensibles qu'ils pourraient devoir rester aux États-Unis - pouvant être hébergés dans les centres de données que les pays du monde entier s'empressent de construire pour localiser les informations de l'IA.

Notre leadership actuel en IA, à un moment où les nations du monde entier se battent pour un meilleur accès à la technologie, facilitera l'incorporation de nouveaux pays dans cette nouvelle coalition. S'assurer que les développeurs de ces pays peuvent accéder facilement à des modèles open source renforcera encore notre avantage. Le défi de qui dirigera l'IA ne consiste pas seulement à exporter des technologies, mais également les valeurs qu'elle défend.
Et enfin, nous devons penser de manière créative à de nouveaux modèles pour que le monde établisse des normes dans le développement et le déploiement de l'IA, en prêtant une attention particulière à la sécurité et en garantissant un rôle pour le Sud global et d'autres nations qui ont historiquement pris du retard. Comme pour d'autres problèmes d'importance mondiale, cela nécessitera que nous nous engagions avec la Chine et maintenions un dialogue continu.
Dans le passé, j'ai parlé de créer quelque chose comme l'Agence internationale de l'énergie atomique pour l'IA, mais c'est seulement un modèle potentiel. Une option pourrait relier le réseau des instituts de sécurité de l'IA qui se construit dans des pays comme le Japon et la Grande-Bretagne et créer un fonds d'investissement auquel pourraient recourir les pays engagés à respecter les protocoles démocratiques de l'IA pour élargir leurs capacités informatiques nationales.
Un autre modèle possible est la Corporation des assignations de noms et de numéros Internet (ICANN), créée par le gouvernement américain en 1998, moins d'une décennie après la création du World Wide Web, pour normaliser la navigation dans le monde numérique. L'ICANN est maintenant une organisation indépendante à but non lucratif avec des représentants du monde entier consacrés à sa mission principale de maximiser l'accès à Internet en soutenant une communauté mondiale ouverte, connectée et démocratique.
Bien qu'il soit important d'identifier l'organe décisionnel approprié, l'essentiel est que l'IA démocratique surpasse l'autoritaire parce que notre système politique a habilité les entreprises, entrepreneurs et académiques américains à rechercher, innover et construire.
Nous ne pourrons pas avoir une IA construite pour maximiser les bénéfices de la technologie et minimiser ses risques à moins que nous ne travaillions pour nous assurer que la vision démocratique de l'IA prévaut. Si nous voulons un monde plus démocratique, l'histoire nous dit que notre seule option est de développer une stratégie d'IA qui aide à le créer, et que les nations et les technologues qui sont en tête ont la responsabilité de prendre cette décision, dès maintenant.
© 2024, The Washington Post
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